Les petites histoires de chacun font la grande histoire de tous

Les petites histoires de chacun font la grande histoire de tous

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Sociologue, coordinatrice de projets et d'équipe à l'association Un Oeil Sur Ma Ville

Historien, coordinateur de projets et d'équipe à l'association Un Oeil Sur Ma Ville

Médiatrice culturelle à l'association Un Oeil Sur Ma Ville

L’association Un OEil Sur Ma Ville voit le jour en 2015. Pluridisciplinaire, elle réunit histoire, tourisme, design, sociologie et médiation culturelle. Son idée phare est d’accompagner les habitants dans la conception de parcours culturels pour mêler savoir populaire et scientifique, permettre l’expression des habitants, donner à chacun la possibilité de découvrir de nouveaux patrimoines. Traversée par cet alliage entre territoire, habitants, droits culturels, patrimoine et Histoire, l’association mène depuis ses débuts son projet « Un OEil Sur Mon Quartier » au Mirail.

La culture : partout, pour tous et par tous

Un OEil Sur Ma Ville mène des projets dans tout le territoire d’Occitanie avec un accent mis sur les patrimoines méconnus et peu valorisés. Elle travaille avec les habitants pour la création de parcours culturels dans lesquels photographies d’archives et témoignages d’habitants se répondent et sont mis en scène dans l’espace public. Des panneaux composés d’une photographie d’archive imprimée sur un plexiglas transparent, d’un encart explicatif et d’un QR code permettant d’accéder aux témoignages des habitants sont ainsi conçus. Les parcours culturels créés font office de porte-voix des habitants. Ils doivent donc être accessibles au plus grand nombre et rayonner au-delà des frontières du quartier. Ils participent à la redécouverte de l’Histoire d’un quartier à travers le jeu, les sens et le sensible : des jeux de regard afin de superposer les images du passé aux panoramas présents et d’en déceler les variations ; l’écoute de témoignages intimes et touchants auxquels tout un chacun peut s’identifier ; l’installation dans l’espace public qui permet de croiser le chemin des usagers et de proposer une expérience gratuite et accessible à tout moment ; un parcours qui permet l’exploration d’un espace et la déambulation suivant son propre rythme.

 

Visite commentée du parcours Un OEil Sur Mon Quartier #3 dans le quartier de la Reynerie, 2021 © Un Œil Sur Ma Ville

Depuis 2015, l’association intervient dans le quartier du Grand Mirail à Toulouse, comprenant Mirail-Université, Reynerie et Bellefontaine. Elle a organisé dans ce quartier prioritaire de la politique de la ville trois éditions du projet Un OEil Sur Mon Quartier. Le but de ce projet est la transmission des récits et la valorisation de la parole des habitants, au-delà des frontières, tant sociales que géographiques. Lors de la dernière édition du projet, Un OEil Sur Mon Quartier #3, les adolescents du quartier de la Reynerie ont interviewé leurs aînés et conçu des podcasts afin d’ajouter une dimension sonore au mobilier urbain installé à l’occasion des précédentes éditions. Il est aujourd’hui possible de les écouter sur place, d’entendre de vive voix les habitants partager leur mémoire et leur vécu. Un OEil Sur Mon Quartier #3 permet alors de mettre en lumière la richesse des patrimoines et de l’histoire du quartier de la Reynerie en attisant la curiosité d’un public le plus large possible, quels que soient son âge, sa curiosité première pour l’objet culturel ou bien son territoire de résidence. Ainsi, un lien se tisse entre l’objet culturel et le spectateur, lien qui favorise la discussion, le débat et l’échange. Lorsque l’association est intervenue pour la première fois dans le quartier de la Reynerie, un sentiment de découverte et un besoin de changer les perspectives se sont fait ressentir. Conscients du fossé séparant le quotidien de ce quartier de sa représentation médiatique, les membres de l’association ont souhaité donner aux habitants, par le biais d’ateliers participatifs, l’occasion de rendre compte d’une nouvelle perspective. Ces ateliers avaient pour objectif d’accompagner les participants à travers les différentes étapes de conception d’un parcours culturel : récolte de mémoires, de ressources et de documents ; identification de lieux et de faits historiques à valoriser ; choix de lieux, photos et témoignages pour émailler le parcours définitif. Traversés par les valeurs de l’éducation populaire, ces ateliers ont aussi été l’occasion d’utiliser la culture comme levier pour des enjeux plus larges tels que la mise en place de démarches collectives et l’appropriation du territoire par son aménagement.

 

Atelier “Récolte de mémoire et interviews”, Un Œil Sur Mon Quartier #3, 2019 © Un Œil Sur Ma Ville

Dépasser le regard porté sur un territoire

Loin de l’image majoritairement véhiculée de la Reynerie, constituée de délinquance et de trafics souterrains, les vécus des différents habitants interviewés font apparaître la vision d’un espace urbain mais aussi d’espaces verts, de loisirs et de sociabilités. L’idée n’est pas de confronter deux images ou deux époques de ce quartier mais de démontrer que les identités et les représentations sont des constructions. Par le biais de la médiation participative autour du patrimoine historique et du rapport à l’espace public, Un OEil Sur Mon Quartier permet de poser un nouveau regard sur la Reynerie, regard façonné collectivement par les habitants.

Pour l’association, il ne s’agit pas de transformer ni de gentrifier le quartier, mais de mettre en avant les vécus des habitants. Chaque atelier a été l’occasion de s’enrichir de la diversité des connaissances, des vécus et des sensibilités de l’autre. Ils légitiment le lien entre les histoires personnelles et familiales qui maillent le territoire et l’histoire « remarquable ». En rendant hommage au patrimoine populaire, découle une nouvelle représentation de l’histoire de la Reynerie dont la focale permet aux participants de forger et d’affirmer leur propre définition de l’identité de leur quartier. La mémoire collective et le vécu, les liens sociaux et intergénérationnels se créent et opèrent sur le collectif. En construisant une continuité entre passé et présent, le quartier prend ainsi une nouvelle signification et les habitants peuvent s’approprier l’image de leur territoire et le droit d’en être les acteurs principaux. Par l’intermédiaire des dispositifs sonores, un dialogue s’opère entre habitants du quartier et habitants extérieurs : un nouveau discours circule et la Reynerie prend alors le visage d’un lieu qui a aussi une vie artistique, culturelle, de loisirs, de rencontres et d’échanges. Tout simplement, un lieu où la vie est plus quotidienne que faite de « faits divers ».

 

Photographie d’archive superposée sur la vue actuelle du lac de Reynerie, Un Œil Sur Mon Quartier #2, 2018 © Un Œil Sur Ma Ville

Impliquer les habitants pour lutter contre l’exclusion

Les projets de l’association émergent de plusieurs constats. La métropolisation donne à voir l’espace urbain comme un flux continu d’usagers où les habitants sont invisibilisés et tenus symboliquement à l’écart de leur territoire. À côté de cela, les enjeux du patrimoine remarquable prennent de plus en plus de place dans les politiques urbaines, en oblitérant la réalité des usages et des perceptions habitantes.

Dans Un OEil Sur Mon Quartier #3, tout comme dans l’ensemble des projets portés par Un OEil Sur Ma Ville, la cohésion sociale et le respect de la pluralité des usages d’un espace ont une place centrale. L’objectif est d’arriver à la définition d’une identité commune et à l’aménagement commun d’un lieu, en impliquant celles et ceux qui le parcourent, le ressentent et l’animent au quotidien. Peu importe les catégories sociales, chaque territoire possède des pratiques, des savoirs, des cultures locales connues de ses seuls habitants. Le quartier de la Reynerie n’échappe pas à cette règle. Au-delà de la concertation et du simple recueil de savoirs, les ateliers participatifs ont amené les habitants à prendre des décisions en collectif et à proposer un parcours culturel en cohérence avec leurs usages et vécus du quartier (lieux de fréquentation, anecdotes faisant partie de la mémoire collective…).

Se rassembler en collectif pour décider du contenu et de l’implantation du parcours culturel, c’est éprouver le « vivre-ensemble » et s’approprier l’espace commun. On y exprime sa volonté, on y écoute celle des autres, on prend en compte les sensibilités et les différences d’idéologie, de classe, de religion, de culture ou de génération, pour enfin intervenir de façon directe et concrète dans l’espace public. Connaître son passé et décrypter son environnement permet aux habitants d’un territoire de s’y ancrer, de se construire une identité riche. Ils deviennent acteurs de l’espace public dans lequel ils évoluent.

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